Journal 13 juin 2019

Les derniers miles

Le compte à rebours est lancé.

Par Marily Nolet

Les derniers miles

Je ne vais pas mentir, j’en suis à un point de non-retour. Je ne veux plus être ici. Tout en ce moment me rend malade. Je me sens physiquement malade en tout temps. Ça prend un effort surhumain pour essayer de voir les beautés que le Nord m’offre à tous les jours. Ce qui me semblait si merveilleux au départ, me pue au nez. Je ne trouve plus rien de beau, je ne veux qu’une seule chose, partir d’ici. Une fois pour toute.

Je me sens prise, pognée, ligotée à un territoire qui ne veut pas de moi. Neuf mois sans sortie, ça m’affecte.

13 juin 2019

Une activité qui normalement me remplirait de joie ne me tente même plus, rien ne me tente. Je voudrais dormir jusqu’à ce que soit fini.

Je suis épuisée, complètement vidée. Je veux dormir. Il fait clair tout le temps. Soleil va donc te coucher s’il te plait, j’en peux plus. Je veux juste être dans mes doudous pis dormir d’un sommeil profond et réparateur dans le noir, la douceur de la noirceur.

« I am tired of crying all the time ».

Va sur le land . Pour moi, ça n’a plus aucun sens. Je me sens claquée, vidée de toute essence, je m’ennuie et rien ne m’inspire plus.

Outre l’emplacement, je vis aussi de gros chamboulements. Je réalise que je quitte pour vrai l’enfance, l’adolescence. Rien ne sera plus jamais pareil. Je suis partie pour un bout, j’ai pris un virage.

La vie à deux, c’est une adaptation. Cette fusion… je ne sais pas où est la limite entre supporter l’autre et ne pas s’oublier. Je suis qui moi? Qu’est-ce que je veux faire de ma vie? Je veux que la curiosité continue de m’animer. Je veux rêver par moi-même. Je veux vivre intensément… Je dois avouer, je pouvais difficilement faire mieux cette année et j’ai déniché le meilleur partenaire pour m’accompagner.

Y’a l’humain en soi aussi qui a pris une drop monumental, celui en qui j’avais foi. Ça s’est brisé cette année. Je ne peux pas passer sous silence, cette perte de foi en la bonté humaine. Il y a des êtres méchants, qui ont vécu des traumatismes horribles, oui, et sur une base quotidienne, ils sont en colère et peuvent être vraiment méchants et sinon, dégagent des chocs électriques. Un environnement hostile, c’est dur.

En même temps, j’ai aussi découvert des gens avec une force de caractère légendaire, un grand sourire et des yeux remplis d’une sagesse unique et entière.

Présentement, je me sens en colère et j’ai de la difficulté à marcher d’un pas léger, sautillant, souriant. Je vois, je ressens la colère, la misère. Je ne peux rien y faire et encore pire il faut que je m’en protège. Il faut que j’apprenne à me faire une carapace pour ne pas prendre et porter tout ce mal-être qui n’est pas le mien, mais dont je peux être victime à chaque seconde. Des fois je me dis que j’aimais ça être naïve. Cette naïveté me rendait invincible. Maintenant, je vois des réalités et elles me font mal si je les laisse passer. Je n’en peux plus de sentir cette colère, mais je suis prise à l’intérieur de ces kilomètres carré, prise à l’intérieur de mon regard.

Je n’en peux plus du goût de la viande, du congelé, du deep fried . De la senteur de bière, de marijuana. Des cris, des jappements, à toute heure du jour ou de la nuit. Je n’en peux plus de ce paysage gris et uniforme, sans arbre, sans verdure, de cette poussière qui me donne du mal à respirer, qui s’infiltre partout . De mes cheveux poussiéreux, de mes lèvres assoiffées, de ma gorge sèche et nouée.  Des faux-semblants déguisés.

Des gens qui se protègent eux-mêmes par peur d’être abandonnés encore une fois. S’agripper à tout ce qui peut ressembler à de la joie jusqu’à essoufflement complet. Puis, rester pris dans cette spirale de consommation, d’argent ou de standing , de fake ou real , essayer d’avoir l’air heureux coûte que coûte, vivre la colère 11 mois par année pour 1 mois au soleil. Je me dis que finalement c’est peut-être pas si différent que n’importe où dans ce magnifique monde. Ego quand nous tient.

Malgré tout, je continue de rêver et c’est ce qui me tient, ça et mon amoureux. J’ai hâte à la nuit, à la forêt, à la verdure, aux étoiles, aux rires de mes amis et de ma famille. Ça n’aura jamais été aussi doux. J’ai hâte de respirer, de reprendre mon souffle.

Ma vie s’est transformée à jamais dans la dernière année et je n’en regrette rien. J’ai vécu des émotions plus fortes que je ne l’aurais cru possible. J’ai rencontré mon âme sœur!

C’est ça la vie, on apprend, on vit des épreuves et des joies, puis on grandit.

Sortir de sa zone de confort qu’ils disaient…

Marily Nolet
Marily Nolet

Émerveillée et attentive, j'écoute la vie comme je la raconte.

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