Livres 24 février 2021

L’échappatoire : « L’ironie » de Vladimir Jankélévitch

L’ironie se distingue de l’hypocrisie par la Vérité qui en émerge, la Vérité se représentant par l’enfant intrinsèque, l’esprit innocent et le cœur inspiré. L’ironie est partout, et en l’observant de plus près, peut-être arriverons-nous à mieux comprendre les doubles tranchants et les subtilités qui s’insèrent au creux de nos vies.

Par Marily Nolet

L’échappatoire : « L’ironie » de Vladimir Jankélévitch

Le livre « L’ironie » de Vladimir Jankélévitch était, je dois l’avouer, une coche au-dessus de ce que je lis habituellement. Ce n’était pas une lecture facile. Une phrase peut aller jusqu’à une demi-page avec pause imposée de recherche de vocabulaire sur Google, mais, en somme, ça en a valu le coup. Je vais définitivement tenté de lire davantage de Vladimir Jankélévitch!

Description sommaire

Sans plus tarder, voici les fameuses citations!

Ce qu’il y a de plus puissant dans le secret, ce n’est donc pas le mutisme qu’il impose, c’est la complicité qu’il crée entre ceux qui en sont porteurs ; il est à la fois tacite et explicite, exclusif et confiant ; il ferme la bouche aux initiés, il calfeutre portes et fenêtres, mais ce silence dont il s’enveloppe est un silence qui en dit long.

–Vladimir Jankélévitch, L’ironie

Je ne m’étais pas interrogé sur la valeur des secrets depuis longtemps. C’est plutôt un concept, un mot, une histoire, que j’associais aux chuchotements dans le creux de l’oreille de ma meilleure amie dans la cour d’école au primaire. Pourtant, en tant qu’adulte, c’est encore bien présent, sinon plus. Les secrets se faufilent entre les draps, se pianotent mélodieusement par textos, ou encore, se glissent en quelques secondes dans les appels téléphoniques. Tout le monde aime faire partie des potins, mais pourquoi? La complicité, bien sûr! Le secret partagé propulse un lien unique. Ceux qui en sont porteurs sont spéciaux et appartiennent à quelque chose. Le silence qui cerne le secret en dit effectivement très long pour ceux qui ont le privilège d’en faire partie et incite, définitivement, les plus curieux à vouloir y participer.

D’un mot : comme la charité est au service de l’Autre et le mensonge au service de l’Ego, ainsi la litote ironique ne sert qu’un seul maître — le Vrai, […]

–Vladimir Jankélévitch, L’ironie

Je fais d’abord, une petite précision de vocabulaire… tant qu’à avoir chercher, je vais partager mes connaissances :

Litote : Figure de rhétorique consistant à affaiblir l’expression de la pensée pour laisser entendre plus qu’on ne dit.

Je voulais revenir sur ce passage : le mensonge au service de l’Ego. Effectivement, quand on ment, c’est souvent pour se sauver la face, pour protéger notre Ego ou encore, celui d’un autre. Le mensonge ne va pas au cœur, dans la chair, au contraire, il se camoufle, il coule et essaie de passer en douce.

Sinon quelques mots sur la litote ironique, où le but du communicateur est d’essayer de faire passer un message entre les lignes. Ce non-dit est, en fait, le but de notre propos et plus souvent qu’autrement, le porteur de Vérité quand le récepteur arrive à le décoder. Encore une fois, comme dans le secret, nous retrouvons le pouvoir du silence et du tacite.

Y a-t-il une pauvreté plus paradoxale que la pauvreté de la richesse, plus navrante que l’indigence de l’abondance?

–Vladimir Jankélévitch, L’ironie

Ici, je voulais juste mettre l’accent sur la société de consommation, sur la pauvreté dans la richesse ; la pauvreté intellectuelle et morale dans une société d’abondance. Il est si facile de consommer sans but véritable à la poursuite d’un bonheur momentané, plutôt que de vraiment réfléchir à ce que l’on acquiert. Pourtant, force est de constater qu’en faisant preuve de qualité intellectuelle et morale avec notre pouvoir de consommation, la richesse pourrait devenir d’autant plus riche. À mijoter!

Le courage, ce n’est pas de déclarer la difficulté irréelle, mais de l’endosser toute vive, positive et tragique, pour la mieux résoudre.

–Vladimir Jankélévitch, L’ironie

Dans la dernière année, j’ai constaté que souvent plutôt que d’endosser une difficulté avec toute la tragédie qu’elle comprend, je ne faisais que la mettre de côté, la dénier. Je faisais de mon mieux pour la déclarer irréelle… jusqu’à ce qu’elle m’explose en pleine figure. Alors effectivement, je suis d’accord avec cette citation, ça prend beaucoup de courage pour endosser une difficulté avec tout ce qu’elle comprend et de la résoudre. Sur ce, je nous souhaite bon courage!

Ce qui est pudique, c’est d’accepter le bonheur avec humilité, comme un don précaire et toujours révocable, au lieu de voir en lui une chose due, ou conquise de haute lutte sur le destin.

–Vladimir Jankélévitch, L’ironie

Je vais être honnête, quasiment chaque jour, j’ai peur que mon bonheur disparaisse, qu’il soit révocable. Encore une fois, je suis bien d’accord avec l’auteur, le bonheur ne nous ait pas dû, le destin ne joue pas nécessairement en notre faveur, tout ne tourne pas autour de notre individualité, alors aussi bien accepter le bonheur avec humilité, comme un don de la vie, le temps qu’il y est.

La pudeur est cette précaution de l’âme qui ménage les transitions, espace les plans, empêche l’instinct de se jeter gloutonnement sur l’amour, en brûlant les étapes.

–Vladimir Jankélévitch, L’ironie

Dans cette citation, j’ai aimé retrouver la lenteur, le respect de la rencontre avec l’Autre puisque parfois, je trouve que nous bousculons les événements et que nous avons la fâcheuse tendance de brûler les étapes. Alors que si nous écoutions notre pudeur, notre petite voix qui nous dit de ralentir, de laisser le temps au temps, de rendre l’espace confortable, peut-être apprécierions-nous davantage les fruits de notre labeur, peut-être aurions-nous seulement le loisir de goûter à chacune des étapes avant qu’elles ne s’éclipsent à jamais?

Ma citation préférée

Si nous voulons guérir le désespoir qu'est l'effet du blasement, nous simplifier et reprendre confiance dans la spontanéité du cœur.

Voilà! Tout est dit! Comment guérir le désespoir? En se simplifiant, en ayant confiance en notre spontanéité, en notre cœur. Il connaît la réponse à nos maux. Vous l’avez sans doute remarqué, ce même coeur se manifeste souvent par une grosse boule d’émotions qui semble être trop proéminente pour être exprimer à haute voix et reste coincée dans la gorge. Toutefois, il n’est pas trop tard pour reprendre confiance, notre coeur d’enfant est toujours à portée quand nous avons le courage de se rappeler son existence.

Car le but de l’ironie n’était pas de nous laisser macérer dans le vinaigre des sarcasmes ni, ayant massacré tous les fantoches, d’en dresser un autre à la place, mais de restaurer ce sans quoi l’ironie ne serait même pas ironique : un esprit innocent et un cœur inspiré.

–Vladimir Jankélévitch, L’ironie

Je termine avec cette citation puisqu’elle décrit bien l’entièreté de l’œuvre. Les pièges laissés par l’ironie pourraient menés au sarcasme. Par contre, l’ironie se distingue de l’hypocrisie par la Vérité qui en émerge, la Vérité se représentant par l’enfant intrinsèque, l’esprit innocent et le cœur inspiré. L’ironie est partout, et en l’observant de plus près, peut-être arriverons-nous à mieux comprendre les doubles tranchants et les subtilités qui s’insèrent au creux de nos vies.

À bientôt!

Ça fait le tour de « L’ironie » de Vladimir Jankélévitch pour moi, j’espère que vous avez apprécié. N’hésitez pas à vous le procurer et à me partager vos impressions, car vous en conviendrez vous-mêmes, c’est une lecture très enrichissante.

Marily Nolet
Marily Nolet

Émerveillée et attentive, j'écoute la vie comme je la raconte.

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